Nouvelle réglementation sur l’irrigation des cultures avec des Eaux Usées Traitées : ce que vous devez savoir

L’enjeu de la gestion durable des ressources en eau est plus pressant que jamais. Dans ce contexte, le recours à la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) pour l’irrigation agricole s’impose comme une solution pragmatique et d’intérêt sur certains territoires.

Reconnaissant cette nécessité, le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau, initié par le président de la République le 30 mars 2023, met en avant la valorisation des eaux non conventionnelles

Pour accompagner cette transition vers une irrigation mobilisant des ressources jusqu’alors peu exploitées, le cadre réglementaire a été adapté au travers de l’arrêté du 18 décembre 2023.

Cet arrêté de 2023 représente une nouvelle étape dans l’élaboration d’un cadre réglementaire visant à faciliter le développement de nouveaux projets d’irrigation agricole avec des eaux usées traitées.

Arrêté du 18 Décembre 2023 : définitions et Objectifs

Le nouvel arrêté relatif à l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures vient abroger l’arrêté du 2 Août 2010 et a été promulgué en application du règlement européen de 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau.


Ce nouvel arrêté précise la qualité des eaux nécessaire pour les projets de REUT agricoles en fonction de leur utilisation. Il introduit la notion de « barrière », permettant l’utilisation d’eaux de qualité inférieure sous réserve de mesures garantissant la sécurité des consommateurs et des acteurs de la chaine de production. Cette approche flexible et orientée vers les risques représente une évolution importante par rapport à l’arrêté de 2010.

Les ambitions sont clairement affichées par le Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire « L’arrêté de 2023 vise à valoriser les eaux non conventionnelles avec l’ambition de réaliser 1 000 projets de réutilisation d’eau d’ici 2027 ».

L’arrêté de 2023 vise à valoriser les eaux non conventionnelles avec l'ambition de réaliser 1 000 projets de réutilisation d’eau d’ici 2027

station de traitement des eaux usées réutilisation eau

Quelle qualité d’eaux usées traitées atteindre pour l’irrigation de cultures ?

L’Arrêté du 18 Décembre 2023 s’applique aux eaux usées traitées produites en sortie de station d’épuration dont la capacité est supérieure à 20 EH. Il ne s’applique pas aux assainissements individuels.
La nouvelle réglementation redéfinit la qualité des eaux usées traitées destinées à l’irrigation agricole en conformité avec le cadre européen. Ces niveaux de qualité sont supérieurs à ceux fixés dans l’arrêté du 2 Août 2010 qui s’appliquait jusqu’ici. Ainsi, les eaux usées traitées sont catégorisées en quatre niveaux (A, B, C, D), basés sur plusieurs paramètres biologiques et physico-chimiques. Chaque niveau représente un degré de traitement à atteindre, adapté à différents usages agricoles. A noter que ces qualités d’eau sont les mêmes que celles encadrant l’arrosage des espaces verts avec des eaux usées traitées. Ce classement garantit que les eaux usées traitées sont sûres pour l’irrigation, tout en préservant la santé publique et l’environnement.

  • Matières en Suspension (MES) : Pour le niveau A, les MES doivent être inférieures ou égales à 10 mg/L. Les niveaux B, C, et D doivent être conformes aux réglementations des rejets d’eaux usées traitées hors période d’utilisation. La faible concentration de MES assure une eau plus claire et réduit le risque de colmatage des systèmes d’irrigation.

  • Demande Biologique en Oxygène (DBO5) : Tout comme les MES, la DBO5 pour le niveau A doit être ≤ 10 mg/L, et les autres niveaux doivent respecter les normes de rejet. La DBO5 mesure la quantité d’oxygène requise pour décomposer la matière organique. Des niveaux bas indiquent une eau moins chargée en matière organique, donc moins susceptible de faciliter la prolifération microbienne indésirable.

  • Escherichia coli : Ce paramètre est crucial pour évaluer la contamination fécale. Pour le niveau A, la concentration doit être ≤ 10 E. coli/100mL, et elle augmente progressivement jusqu’à ≤ 10 000 E. coli/100mL pour le niveau D. Les niveaux de qualité ont été fortement resserré sur ce paramètre par rapport à l’arrêté de 2010. A titre de comparaison une eau de baignade qualifiée d’excellente qualité doit avoir une concentration en Coli < 500 E.Coli/100mL. La qualité A pour l’irrigation de cultures avec des eaux usées traitées doit donc avoir une concentration en E.Coli 50 fois inférieure à celle d’une eau de baignade d’excellente qualité.
  • Coliphage : Les niveaux sont similaires à ceux d’E. coli, allant de ≤ 10 à ≤ 10 000 unités pour les niveaux A à D. Les coliphages sont des indicateurs de la présence de virus pathogènes, leur faible nombre indique une moindre probabilité de contamination virale.
  • Clostridium perfringens : Les spores de cette bactérie sont utilisées comme indicateurs de contamination par des protozoaires. Les exigences vont également de ≤ 10 à ≤ 10 000 spores pour les niveaux A à D.
  • Turbidité : Seul le niveau A a une exigence spécifique de turbidité (≤ 5 NTU), ce qui reflète la clarté de l’eau. Une faible turbidité est synonyme d’une eau plus propre et moins chargée en particules.
  • Autres Paramètres : Des critères supplémentaires comme la concentration en Legionella spp. et en œufs de nématodes intestinaux sont fixés pour certains cas spécifiques, comme l’irrigation des pâturages.

La qualité A pour l’irrigation de cultures avec des eaux usées traitées doit donc avoir une concentration en E.Coli 50 fois inférieure à celle d’une eau de baignade d’excellente qualité.

réutilisation eaux usées traitées en agriculture

Quelles cultures peut-on irriguer avec des eaux usées traitées ?

La réglementation définit des critères spécifiques pour l’usage des eaux usées traitées en agriculture, en fonction du type de culture et de la qualité de l’eau. Voici une synthèse des usages permis en fonction de la catégorie de qualité de l’eau (A, B, C, D) et des exemples de cultures concernées :

Cultures vivrières consommées crues avec contact direct avec l’eau

Ces cultures incluent des légumes comme la laitue, les épinards, ou les carottes, qui sont souvent consommés crus et où la partie comestible est en contact direct avec l’eau d’irrigation. Pour ces cultures, seules les eaux de qualité A sont autorisées. Les qualités B et C sont possibles avec des mesures préventives supplémentaires, tandis que la qualité D est interdite. Dans le cas d’une exploitation maraîchère produisant des salades de plein champ, l’arrêté de 2023 exige la conformité avec des seuils de qualité sanitaire définis. Les seuils de qualité ont été renforcés pour assurer la sécurité sanitaire, mais des mesures barrières, telles que le lavage à l’eau potable avant la vente, peuvent être mises en place pour utiliser une eau de qualité inférieure.

Cultures vivrières consommées crues sans contact direct avec l’eau, et cultures vivrières transformées et cultures non vivrières

Cela concerne des cultures telles que les tomates, les fraises, l’arboriculture fruitière ou les pommes de terre, où la partie comestible n’est pas en contact direct avec l’eau. Pour ces cultures, les eaux de qualité A et B sont autorisées, tandis que la qualité C nécessite des mesures préventives supplémentaires. La qualité D n’est pas autorisée. Dans une exploitation viticole, l’utilisation des eaux usées traitées pour irriguer les vignes doit se conformer aux seuils de qualité sanitaire établis. La nouvelle réglementation permet toutefois l’utilisation d’eau de qualité inférieure si des mesures barrières sont mises en place. Par exemple, l’installation d’un système d’irrigation goutte à goutte et l’arrêt de l’irrigation avant les vendanges peuvent réduire le risque de contamination.

Fourrage Frais et Pâturage

Pour l’irrigation des cultures destinées au fourrage ou au pâturage, comme les prairies pour le bétail, les eaux de qualité A et B sont autorisées, tandis que la qualité C est conditionnelle et la qualité D est interdite.

Cultures industrielles, cultures énergétiques et cultures semencières

Toutes les qualités d’eau sont autorisées.

Ces directives visent à garantir que l’eau utilisée pour l’irrigation soit adaptée au type de culture, en minimisant les risques sanitaires. Il est crucial que les agriculteurs soient conscients de cette hiérarchisation des usages pour choisir l’eau d’irrigation la plus appropriée et s’assurer que leurs pratiques respectent les normes de sécurité sanitaire établies.

Qualité A réutilisation eaux usées france

Mesures préventives pour l’irrigation de cultures avec des eaux usées traitées

La notion de « barrière » ou mesure préventive est introduite par l’arrêté du 18 décembre.

Elle permet d’utiliser une eau de qualité inférieure à condition de mettre en place des mesures compensatoires. Ces mesures peuvent inclure des techniques d’irrigation spécifiques, comme le goutte à goutte, qui minimisent le contact de l’eau avec les parties comestibles des plantes, ou des traitements supplémentaires de l’eau pour éliminer les contaminants.

Les mesures barrières, détaillées dans le tableau 3 de l’Annexe I de l’Arrêté, peuvent être appliquées tout au long de la chaîne de production, de la culture initiale jusqu’à la récolte et au-delà, jusqu’à la préparation pour la vente (lavage des produits à l’eau potable).

Suivi de la qualité des eaux usées traitées :

La réglementation impose un suivi rigoureux de la qualité des eaux usées traitées, qui se divise en deux catégories principales : le suivi analytique en routine et le suivi analytique périodique.

Suivi Analytique en Routine

Ce suivi vise à vérifier que l’eau usée traitée respecte les exigences minimales de qualité définies dans l’arrêté. Ce processus de surveillance régulière est essentiel pour s’assurer que les eaux usées traitées restent dans les limites acceptables pour une utilisation sûre en agriculture. Il s’agit d’une mesure préventive continue, visant à maintenir un niveau de qualité constant des eaux usées traitées. Ce suivi doit être réalisé au point de conformité, c’est-à-dire en sortie de station de traitement.

Suivi Analytique Périodique

Parallèlement au suivi en routine, un suivi analytique périodique est également requis. Ce suivi est concentré sur l’évaluation des performances globales de l’installation de traitement des eaux usées. Il est réalisé sur l’ensemble des paramètres définis à la section 2 de l’annexe II de l’arrêté. Ce type de suivi est crucial pour détecter tout dysfonctionnement ou dégradation des performances de l’installation. Il est réalisé en entrée et en sortie de la station de traitement.

Vous souhaitez en savoir plus sur la réglementation ?

Conclusion et perspectives

Cette réglementation, mise à jour en conformité avec le cadre européen de 2020, offre aux agriculteurs une flexibilité accrue dans l’adoption de techniques d’irrigation nouvelles avec des eaux usées traitées, tout en maintenant des critères rigoureux pour la protection de la santé publique et de l’environnement.

L’arrêté de 2023 est conçu pour encourager une intégration élargie de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) dans l’agriculture française, s’appuyant sur une démarche proactive d’évaluation des risques et sur l’application de mesures barrières efficaces. L’enjeu réside désormais dans l’acceptation et la mise en œuvre de ces pratiques, qui sont bien plus exigeantes que celles relatives à l’utilisation des eaux brutes en agriculture.

Questions fréquentes

Quels types de cultures sont concernés par l'arrêté de 2023 ?

L'arrêté de 2023 couvre une large gamme de cultures, y compris les cultures vivrières consommées crues, les cultures transformées, les cultures non vivrières et même le fourrage frais et le pâturage. Les exigences en termes de qualité de l'eau et de mesures barrières varient en fonction du type de culture, avec des critères plus stricts pour les cultures directement consommées crues.

Comment les agriculteurs sont-ils affectés par ces nouvelles réglementations ?

Les agriculteurs doivent désormais se conformer à des normes  strictes en matière de qualité de l'eau pour l'irrigation avec des eaux usées traitées.

Cela implique une meilleure compréhension des exigences en matière de qualité de l'eau, l'adoption de systèmes d'irrigation approuvés, et la mise en œuvre de mesures barrières et de gestion des risques adaptées spécifiquement à leur exploitation.

Comment l'arrêté de 2023 va-t-il être contrôlé et appliqué ?

L'application de l'arrêté impliquera probablement des contrôles réguliers par les autorités locales ou nationales compétentes. Ces contrôles peuvent inclure l'inspection des systèmes d'irrigation, l'analyse des échantillons d'eau, et la vérification du respect des protocoles de gestion des risques.

Les agriculteurs devront tenir des registres détaillés de leurs pratiques d'irrigation et des résultats des tests de qualité de l'eau pour démontrer leur conformité.

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