Industrie et recyclage de l’eau : un cadre réglementaire renforcé pour plus de sobriété hydrique

Publié au Journal Officiel le 15 mars 2025, le décret n°2025-239 et son arrêté d’application étendent le cadre réglementaire de l’utilisation des eaux impropres à la consommation humaine (EICH) aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Ces textes permettent, sous conditions techniques et sanitaires précises, d’employer ces eaux pour certains usages domestiques à l’échelle du site industriel, tels que le lavage du linge, des sols intérieurs, l’arrosage des espaces verts ou encore l’évacuation des excreta.

Cette évolution réglementaire s’inscrit dans la continuité de l’arrêté du 12 juillet 2024, qui encadrait déjà l’utilisation des EICH pour des usages domestiques dans les bâtiments non industriels. Les nouvelles dispositions du 15 mars en reprennent largement les principes techniques (séparation des réseaux, signalétique, dispositifs de sécurité) tout en les adaptant aux spécificités des ICPE. Elles répondent aux objectifs de sobriété hydrique dans un contexte marqué par la tension croissante sur la ressource en eau et la répétition des épisodes de sécheresse.

Dans la suite de cet article, nous décryptons pour vous les usages autorisés des EICH dans les ICPE, les conditions à respecter et les opportunités que cela ouvre pour le monde industriel et le recyclage de l’eau.

Industrie et recyclage de l'eau : quels sont les usages autorisés par le décret et l’arrêté du 14 Mars 2025 ?

Le nouveau cadre réglementaire permet la réutilisation, au sein des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), de plusieurs catégories d’eaux impropres à la consommation humaine :

  • Eaux grises : issues des douches, lavabos, lave-mains, lave-linge ;
  • Eaux de pluie : collectées sur des surfaces inaccessibles aux personnes ;
  • Eaux d’exhaure : provenant de rabattements de nappes ou de systèmes de drainage ;
  • Eaux brutes naturelles : puits, forages, ou eaux de surface non potabilisées ;
  • Autres types d’eaux impropres à la consommation humaine : il s’agit ici d’eaux non classées dans les catégories précitées (ex: eaux industrielles). Cette classification est nouvelle par rapport aux autres textes se référant aux EICH.

Ces eaux peuvent être valorisées pour des usages domestiques internes à l’échelle du site :

  • Lavage du linge ;
  • Lavage des sols intérieurs ;
  • Chasses d’eau (évacuation des excreta) ;
  • Arrosage des espaces verts ou jardins potagers ;
  • Nettoyage de surfaces extérieures ;
  • Alimentation de fontaines décoratives non destinées à la consommation humaine.

Les usages alimentaires, corporels (hors linge), ou liés à la boisson restent interdits. 

Les sites ICPE relevant de la rubrique 2345, soit les blanchisseries et laveries de linge sont autorisés à utiliser des EICH au sein de leurs process industriels. Lorsqu’il ne s’agit pas d’eaux brutes naturelles, cette utilisation se fait sous certaines conditions (élaboration d’un dossier d’utilisation).

Industrie et recyclage de l'eau arrêté du 14 mars 2025

Recycler l’eau au sein des sites industriels pour des usages domestiques : sous quelles conditions ?

Depuis la publication du décret n°2025-239 et de son arrêté d’application, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont autorisées à utiliser des eaux impropres à la consommation humaine (EICH) pour des usages domestiques. Cette disposition vise à renforcer la sobriété hydrique en industrie, sans compromettre la sécurité sanitaire des usagers ni la protection de l’environnement. Encore faut-il respecter un cadre technique et administratif précis.

Qualité des eaux impropres à la consommation humaines 

Le niveau de qualité attendu dépend à la fois de l’origine des eaux et de l’usage envisagé :

  • Qualité A+ : la plus exigeante, applicable aux usages présentant un risque d’exposition significatif (par exemple : chasses d’eau, fontaines décoratives). Elle repose sur 3 critères microbiologiques et 3 critères physico-chimiques, avec des seuils particulièrement bas notamment pour Legionella Pneumophilia.
  • Qualité A : moins stricte que la qualité A+, elle permet des usages avec un niveau d’exposition moindre. Elle s’appuie sur les mêmes types de paramètres prédéfinis.
  • Critères à déterminer : pour certaines eaux (notamment eaux grises ou autres EICH) et certains usages (comme le lavage du linge ou des sols intérieurs), aucun seuil n’est prédéfini. L’exploitant doit alors soumettre un dossier technique au préfet justifiant de l’innocuité des pratiques de recyclage avant tout usage. 

Un point de conformité est défini au point le plus représentatif de la qualité d’eau distribuée avant son utilisation. Ce point constitue la référence pour l’évaluation des seuils réglementaires.

En cas de dépassement d’au moins un critère de qualité, l’exploitant doit :

  • Mettre immédiatement le système en sécurité ;
  • Consigner l’incident dans un registre dédié, en y détaillant les mesures correctives prises ;
  • Tenir ce registre à la disposition de l’inspection des installations classées (IIC).

Enfin, si un doute subsiste quant à la qualité de l’eau, ou si le public est potentiellement exposé, l’exploitant peut soumettre un dossier justificatif à l’Agence Régionale de Santé (ARS)

Usages domestiques Type d’EICH
Eaux brutes naturelles Eaux grises / piscines à usage collectif Autres EICH (eaux pluviales, d’exhaure, etc.)
Lavage du linge A+ Critères à déterminer Critères à déterminer
Lavage des sols intérieurs / Critères à déterminer Critères à déterminer
Arrosage des jardins potagers / Critères à déterminer Critères à déterminer
Fontaines décoratives / A+ Critères à déterminer
Évacuation des excreta / A+ Critères à déterminer
Nettoyage des surfaces extérieures / A Critères à déterminer
Arrosage des espaces verts à l’échelle des bâtiments / A Critères à déterminer

Légende :

  • / : Aucun critère défini à ce jour (mais soumis aux obligations générales de santé publique).
  • A+ : Usage soumis aux critères de qualité les plus stricts (exposition potentielle élevée).
  • A : Usage soumis aux critères de qualité standard.
  • Critères à déterminer : Dossier technique obligatoire à soumettre au préfet pour validation préalable.

(*) Ces eaux incluent notamment les eaux pluviales hors surfaces inaccessibles, les eaux de douches de sécurité, lave-œil et certains rejets industriels faiblement pollués, non destinés à un usage direct.

Conception du système : principes à respecter pour la sécurité des installations

L’arrêté du 14 mars 2025 impose aux exploitants de concevoir des systèmes de réutilisation d’eaux non potables répondant à des exigences techniques strictes (liste non exhaustive) :

  • Séparation physique complète entre le réseau d’eau potable et le réseau d’eau non potable ;
  • Disconnexion sécurisée avec garde d’air visible (type « surverse totale ») en cas d’appoint par le réseau d’eau potable ;
  • Signalétique explicite « eau non potable » aux points de soutirage, avec verrouillage de sécurité ;
  • Équipements de traitement adaptés aux caractéristiques de l’eau et aux usages prévus ;
  • Schéma de principe à jour représentant les canalisations, les points de soutirage et les dispositifs de traitement, conservé sur site et présenté à l’IIC en cas de contrôle.

Ces principes visent à éviter tout risque de contamination croisée et à garantir une traçabilité complète du système.

Arrêté du 14 mars 2025 recyclage eau industrie
réutilisation eau et économie eau

Arrêté 14 Mars 2025 : une opportunité pour accélérer le recyclage de l’eau au sein des industries ?

Dans la réflexion autour de la gestion durable de l’eau en milieu industriel, une question essentielle mérite d’être posée : quelle est la part des usages domestiques (sanitaires, nettoyage, arrosage) par rapport aux volumes mobilisés pour les procédés industriels ?

Si l’ouverture réglementaire de mars 2025 constitue une avancée pour la réutilisation des eaux impropres à la consommation humaine (EICH) à des fins domestiques dans les ICPE, elle ne doit pas faire oublier que, dans la plupart des filières, l’essentiel des consommations est lié aux besoins des process industriels.

À ce titre, la filière agroalimentaire est pionnière. Depuis plus d’un an, elle dispose d’un cadre réglementaire spécifique, autorisant – sous conditions sanitaires et techniques strictes – l’usage d’eaux non conventionnelles dans la production de denrées alimentaires. Cette structuration réglementaire à l’échelle sectorielle pourrait servir de modèle reproductible pour d’autres filières fortement consommatrices d’eau : industrie chimique, textile, cosmétique, papetière, etc.

Cependant, pour aller plus loin que le seul volet « recyclage », une approche systémique de la gestion de l’eau est nécessaire. C’est précisément l’objectif des Plans de Sobriété Hydrique (PSH), désormais attendus dans certaines régions françaises (notamment PACA et Auvergne-Rhône-Alpes) par les inspections des installations classées.

Les PSH permettent aux sites industriels de :

  • Évaluer leurs vulnérabilités en matière d’approvisionnement, en fonction des ressources mobilisées (nappes, réseaux, prélèvements) ;
  • Cartographier avec précision les usages de l’eau sur site, en distinguant les postes domestiques, techniques et process ;
  • Prioriser les postes de consommation selon leur criticité, leur impact environnemental et leur potentiel d’optimisation ;
  • Identifier des leviers de réduction, de substitution ou de réutilisation des eaux impropres à la consommation humaine ;
  • Valoriser les démarches engagées, notamment en période de sécheresse, où un PSH justifié peut permettre d’obtenir des dérogations aux restrictions préfectorales.

En résumé, la réutilisation d’eaux non potables pour les usages domestiques industriels constitue une première étape concrète vers une stratégie plus large de gestion économe et résiliente de l’eau. Bien menée, cette dynamique permet d’articuler performance industrielle, conformité réglementaire et transition écologique.

plan d sobriété industrie
Plan de sobriété hydrique Auvergne Rhône Alpes

Se faire accompagner dans sa démarche de sobriété hydrique

Face à l’évolution de la réglementation et aux exigences croissantes en matière de sobriété hydrique, ReutilisationEau.fr accompagne les industriels dans la mise en œuvre de solutions concrètes de sobriété hydrique, en tenant compte des contraintes techniques, réglementaires et économiques propres à chaque site.

Notre accompagnement couvre notamment :

  • L’audit de faisabilité des systèmes de réutilisation d’eaux impropres à la consommation humaine ;
  • La rédaction des dossiers réglementaires à destination des services de l’état ;
  • L’élaboration de Plans de Sobriété Hydrique (PSH) et la définition de plans d’action adaptés ;
  • Le choix des équipements et le suivi de leur mise en œuvre sur site ;

L’objectif :  aider chaque site à réduire durablement sa consommation d’eau, à anticiper les contraintes réglementaires et à valoriser sa démarche environnementale.

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Conclusion

La publication du décret n°2025-239 et de l’arrêté du 14 mars 2025 marque une étape significative dans l’évolution du cadre réglementaire de la gestion de l’eau en industrie. En ouvrant la voie à la réutilisation d’eaux impropres à la consommation humaine pour des usages domestiques dans les ICPE, l’État encourage une première mise en mouvement concrète vers une gestion plus économe, circulaire et résiliente de la ressource.

Mais cette avancée réglementaire ne constitue qu’une partie de la réponse. Pour aller plus loin, il est essentiel d’inscrire cette dynamique dans une stratégie globale de sobriété hydrique, structurée autour de diagnostics rigoureux, d’actions ciblées et d’un dialogue permanent avec les autorités compétentes.

ReutilisationEau.fr se tient aux côtés des industriels pour les accompagner dans cette transition, à travers des solutions sur mesure, pragmatiques et adaptées à la réalité de chaque site. 

Questions fréquentes

Le décret n°2025-239 et son arrêté d’application encadrent l’usage de plusieurs catégories d’eaux impropres à la consommation humaine (EICH) dans les installations classées (ICPE). Ces eaux, non potables, ne présentent pas de risques sanitaires si elles sont correctement traitées et surveillées.

Les types d’eaux concernés sont :

  • Eaux grises : issues des douches, lavabos, lave-linge… elles sont faiblement polluées et facilement valorisables.
  • Eaux de pluie : collectées sur des toitures ou surfaces inaccessibles.
  • Eaux d’exhaure : eaux pompées dans les nappes pour des raisons de sécurité ou de stabilisation des sols.
  • Eaux brutes naturelles : eaux de puits ou de surface non potabilisées.
  • Autres types d'EICH: eaux issues des process, parfois peu polluées, mais nécessitant une évaluation spécifique.

Cette classification élargie ouvre de nouvelles perspectives de recyclage de l’eau dans l’industrie, en favorisant la substitution d’eau potable dans les usages internes domestiques.

La réglementation autorise l’utilisation d’EICH pour un ensemble d’usages domestiques internes à l’échelle du site industriel, à condition que ceux-ci ne présentent pas de risque d’exposition directe.

Les usages autorisés sont les suivants :

  • Lavage du linge (notamment pour les blanchisseries relevant de la rubrique ICPE 2345) ;
  • Nettoyage des sols intérieurs et des zones techniques ;
  • Chasses d’eau (évacuation des excreta) dans les sanitaires ;
  • Arrosage des espaces verts ou jardins potagers, s’ils ne sont pas ouverts au public ;
  • Nettoyage des surfaces extérieures comme les quais de chargement ou voiries ;
  • Fontaines décoratives, à condition qu’elles ne soient pas accessibles au public.

En revanche, les usages alimentaires, corporels (hors linge) ou liés à la boisson, ainsi que tout usage susceptible d’exposition directe, sont strictement interdits.

Aucune déclaration préalable n’est exigée pour installer un système de recyclage d’eaux non potables dans une ICPE pour des usages domestiques. Toutefois, l’exploitant doit respecter un cadre strict de suivi et de transparence. Il doit notamment :

  • Élaborer un plan d’entretien, de maintenance et de prévention ;
  • Tenir un registre des dépassements de qualité, avec les mesures correctives prises ;
  • Disposer d’un schéma de principe du système (traitement, stockage, distribution) mis à jour et disponible pour l’inspection.

En cas d’usage non couvert par des critères réglementaires prédéfinis (critères à déterminer), un dossier technique doit être transmis au préfet avant mise en service. Cette approche permet une mise en œuvre rapide et encadrée des systèmes de réutilisation tout en respectant les exigences de sécurité sanitaire.

Les Plans de Sobriété Hydrique (PSH) constituent un cadre stratégique pour organiser la gestion de l’eau dans les sites industriels. Ils sont de plus en plus exigés par les services de l’État, notamment en PACA et en Auvergne-Rhône-Alpes, dans un contexte de sécheresse récurrente.

Un système de réutilisation d’EICH peut s’intégrer pleinement dans un PSH, en tant que levier de substitution et de réduction des prélèvements. À travers un PSH, l’industriel peut :

  • Identifier les usages optimisables (domestiques, techniques, process) ;
  • Hiérarchiser les actions à mettre en œuvre (réduction, substitution, réutilisation) ;
  • Justifier son engagement lors des épisodes de restriction d’usage ;
  • Accéder à des exemptions en cas de sécheresse, si les efforts de sobriété sont jugés crédibles et documentés.

Ainsi, la mise en place d’un système de recyclage d’eau non potable devient une action structurante dans une stratégie de résilience hydrique plus large, en lien avec les exigences des services de l’état.

Si les analyses révèlent un dépassement des seuils de qualité définis dans l’arrêté (annexes II et IV), l’exploitant doit :

  • Mettre immédiatement le système en sécurité pour éviter toute exposition ;
  • Consigner l’événement dans un registre, avec les détails des actions correctives prises ;
  • Informer l’inspection des installations classées (IIC)

Le point de conformité est situé à la sortie du système de traitement. C’est à ce point que la qualité de l’eau doit être conforme aux seuils définis (qualité A ou A+). En cas d’incertitude, l’exploitant peut saisir l’Agence Régionale de Santé (ARS)

Ce système de surveillance garantit que l'utilisation d'eaux impropres à la consommation humaine se fait en toute sécurité pour les usagers comme pour l’environnement.

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