Dans un contexte de changement climatique et de pressions croissantes sur les ressources en eau, les grandes métropoles se tournent vers des stratégies d’économie et de recyclage de l’eau à l’échelle des bâtiments et des îlots urbains.
À San Francisco, le campus Uber Mission Bay incarne l’une des réalisations les plus emblématiques de ce virage vers la sobriété hydrique en combinant la réutilisation des eaux grises et de l’eau de pluie pour deux immeubles de bureaux. Ce projet est un bel exemple des solutions mutualisées, tant sur les ressources en eaux non conventionnelles que sur les équipements.
Dans la suite de cet article, nous analyserons les caractéristiques techniques du système mis en œuvre, ses résultats concrets, le cadre réglementaire californien, ainsi que les enseignements à tirer pour la France.
Un système de recyclage de l’eau mutualisé pour deux bâtiments tertiaires
Le siège d’Uber à Mission Bay s’étend sur deux bâtiments distincts (1455 et 1515 Third Street) pour une surface totale de plus de 38 000 m².
Les eaux grises et pluviales des deux bâtiments sont collectées séparément puis acheminées vers des cuves de stockage situées au 1515 Third Street. Ces eaux non conventionnelles y sont alors traitées par des systèmes distincts avant d’être recyclées à des fins non potables dans les deux bâtiments : arrosage des espaces verts et alimentation des chasses d’eau.
Ce projet constitue le premier système mutualisé autorisé à l’échelle d’un quartier en vertu de l’Article 12C du code de la santé publique de San Francisco. C’est un bel exemple de recyclage de l’eau dans les bâtiments tertiaires.
Des technologies de traitement adaptées aux types d'eau collectée
Les eaux grises sont tout d’abord soumises à un préfiltrage à 800 microns, avant d’être dirigées vers un bioréacteur à membranes certifié NSF/ANSI-350. Elles subissent ensuite une désinfection par rayonnement ultraviolet, à une intensité de 186 mJ/cm².
Les eaux de pluie, quant à elles, suivent un parcours similaire : elles sont préfiltrées à 800 microns, puis filtrées à 30 microns avant d’être désinfectées par UV.
Le système affiche une capacité de traitement de 4,5 m³ par jour pour les eaux grises, tandis que la capacité de stockage des eaux de pluie atteint un volume total de 90 m³ pour l’ensemble des deux bâtiments.
Une fois traitées, les eaux grises et pluviales sont regroupées dans des cuves communes, puis redistribuées via un réseau dédié (purple pipe) vers des usages non potables tels que l’irrigation des espaces verts et l’alimentation des chasses d’eau.
Cette séparation initiale des filières de traitement permet d’ajuster les technologies aux caractéristiques propres de chaque type d’eau, tout en optimisant les coûts d’exploitation. La qualité finale des eaux traitées respecte pleinement les exigences définies par l’article 12C du code de la santé publique de San Francisco.
Enfin, une chloration résiduelle est assurée pour garantir la sécurité sanitaire des eaux stockées dans la durée.
Recyclage de l'eau dans les bâtiments tertiaires : des résultats concrets sur le site d’Uber Mission Bay
Le système mutualisé mis en œuvre dans les immeubles de bureaux Uber Mission Bay démontre toute l’efficacité de la réutilisation de l’eau dans l’immobilier tertiaire. Chaque année, ce dispositif permet de :
- Réutiliser 830 m³ d’eaux grises, issues des douches et lavabos (soit 219 000 gallons/an)
- Valoriser 1 796 m³ d’eaux de pluie collectées en toiture (soit 474 500 gallons/an)
En tout, ce sont près de 2 600 m³ d’eau potable qui sont économisés par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle de près de 50 français.
Grâce à cette stratégie de réutilisation de l’eau dans un bâtiment tertiaire, le site atteint une réduction de 22 % de sa consommation d’eau potable, tout en renforçant sa résilience aux sécheresses et en limitant sa dépendance au réseau d’eau potable de la ville.
Une réglementation pionnière à San Francisco pour le recyclage de l'eau dans les bâtiments tertiaires
Depuis 2021, San Francisco impose à tous les bâtiments neufs de plus de 9 290 m² l’installation d’un système de réutilisation des eaux non conventionnelles. L’Article 12C fixe des critères stricts de qualité microbiologique, des exigences de désinfection, ainsi que des protocoles de télésurveillance en continu.
En novembre 2022, on dénombrait déjà 48 systèmes ONWS en fonctionnement et 119 projets en cours d’examen. Cette dynamique fait de San Francisco l’une des villes les plus avancées au monde en matière de réutilisation locale de l’eau.
Sur le plan financier, les investissements initiaux pour l’installation (CAPEX) et l’exploitation (OPEX) de ces systèmes sont généralement pris en charge par les propriétaires d’immeubles, les promoteurs ou les locataires. Pour compenser ces coûts, la SFPUC a mis en place en 2012 un programme de subventions pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars pour les projets de réutilisation volontaires.
Un autre levier incitatif, plus modeste, a été instauré en 2017 : les bâtiments équipés d’un système de recyclage bénéficient d’une réduction des frais de raccordement au réseau d’eau potable, calculés avant la délivrance des permis de construire.
À cela s’ajoute une baisse effective des factures d’eau et d’assainissement, puisque les volumes prélevés et rejetés sont réduits.
Enfin, la standardisation progressive des solutions de recyclage et la montée en puissance d’acteurs spécialisés contribuent à améliorer la rentabilité globale des systèmes par effet d’échelle. Malgré ces avancées, la question du retour sur investissement reste centrale pour les développeurs immobiliers, et continue de faire l’objet d’ajustements du cadre réglementaire par les autorités locales.
Quel parallèle avec la France ?
Depuis la publication de l’arrêté du 12 juillet 2024, la France dispose à son tour d’un cadre permettant la réutilisation des eaux grises et de l’eau de pluie pour des usages non potables : alimentation des WC, arrosage d’espaces verts, alimentation de murs végétalisés, lavage de sols.
Cette démarche implique pour les bâtiments tertiaire :
- Une déclaration préfectorale,
- La mise en place d’un plan de maintenance et de suivi sanitaire,
- Le respect de contraintes techniques à la conception des systèmes de recyclage,
- Des contrôles de qualité réguliers (analyses, suivi des équipements).
Si les projets français sont encore le plus souvent conçus bâtiment par bâtiment, le modèle Uber Mission Bay montre qu’il est possible de mutualiser les ressources et les infrastructures à l’échelle de plusieurs bâtiments – un levier pertinent pour les quartiers durables, campus universitaires ou sites tertiaires regroupés.
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L’exemple d’Uber Mission Bay montre que la réutilisation des eaux non conventionnelles dans le secteur tertiaire peut être une réalité opérationnelle. Pour passer de l’inspiration à l’action, encore faut-il être bien accompagné.
Chez ReutilisationEau.fr, nous proposons un accompagnement personnalisé pour tous vos projets :
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- Conseil sur les équipements adaptés aux spécificités de votre projet,
- Dimensionnement et chiffrage,
- Rédaction du plan de gestion sanitaire et élaboration du carnet de suivi,
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Que vous soyez un gestionnaire immobilier, une collectivité ou un acteur de l’aménagement, nous vous aidons à sécuriser votre projet de sobriété hydrique à chaque étape.
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Conclusion
Le campus Uber Mission Bay illustre comment une stratégie de réutilisation de l’eau peut être mutualisée, technologique et conforme à la réglementation en vigueur.
Ce type de réalisation, aujourd’hui courante à San Francisco, constitue une source d’inspiration directe pour les territoires français en quête de sobriété hydrique.
Chez ReutilisationEau.fr, nous accompagnons les opérateurs immobiliers, collectivités et promoteurs dans le dimensionnement et la mise en place de systèmes de recyclage d’eau sur site.
Questions fréquentes :
Installer un système de recyclage de l’eau dans un bâtiment tertiaire nécessite de prendre en compte plusieurs éléments techniques : la séparation physique entre les réseaux d’eau potable et d’eau recyclée, l’intégration d’équipements adaptés au niveau de qualité souhaité (filtration, désinfection UV, chloration, etc.), ainsi que la capacité de stockage nécessaire en fonction des usages.
Il faut également anticiper les conditions d’exploitation (maintenance, surveillance, analyse de la qualité de l’eau) et la compatibilité avec le bâti existant. Une bonne conception en amont garantit un fonctionnement pérenne et conforme aux exigences sanitaires.
ReutilisationEau.fr propose un accompagnement sur mesure pour les projets de recyclage de l’eau dans les bâtiments tertiaires : étude de faisabilité, aide au choix des technologies, modélisation des volumes, rédaction du dossier sanitaire, et assistance à la mise en œuvre.
Le suivi ne s’arrête pas à la mise en service : des outils de monitoring, de formation et de communication sont également proposés à nos clients pour valoriser l’engagement de l'ensemble des parties prenantes.
Le recyclage de l’eau dans les bâtiments tertiaires permet de réduire significativement la consommation d’eau potable, en remplaçant cette dernière par de l’eau traitée pour des usages non potables comme les WC, l’arrosage ou le nettoyage.
Il s’agit d’un levier efficace de sobriété hydrique, particulièrement pertinent en période de sécheresse ou dans des territoires soumis à des tensions sur la ressource.
Sur le plan économique, les économies générées sur la facture d’eau peuvent compenser l’investissement initial sur quelques années. Enfin, ces dispositifs renforcent la démarche RSE des entreprises, améliorent leur image et les aident à anticiper les réglementations futures.
Oui, et c’est l’un des points clés mis en lumière par le projet Uber Mission Bay. Mutualiser un système de recyclage de l’eau entre plusieurs bâtiments permet de centraliser les équipements de traitement et d’optimiser les coûts d’exploitation.
En France, bien que la plupart des projets soient encore conçus à l’échelle du bâtiment individuel, la réglementation n’exclut pas une approche mutualisée dès lors que la responsabilité de gestion est clairement identifiée et que les exigences sanitaires sont respectées. Cette stratégie est particulièrement adaptée aux campus, écoquartiers ou grands ensembles tertiaires, où les volumes d’eau à recycler sont importants et les synergies possibles.
Depuis l’arrêté du 12 juillet 2024, il est possible en France d’utiliser des eaux impropres à la consommation humaine pour des usages non potables tels que l’alimentation des chasses d’eau, l’arrosage de végétaux, le lavage des sols et l’alimentation de murs ou toitures végétalisés. Ces usages doivent impérativement être dissociés du réseau d’eau potable, répondre à des critères de qualité stricts, et faire l’objet d’un suivi sanitaire régulier. Le projet doit être déclaré en préfecture et accompagné d’un plan de maintenance validé. Cette réglementation offre un cadre clair pour développer des projets sûrs et pérennes de recyclage de l’eau dans le bâtiment tertiaire.